Depuis le XVIe siècle, la collecte et la transplantation des plantes ont été centrales dans les logiques coloniales : elles ont servi à classer, domestiquer et exploiter le vivant pour asseoir une domination territoriale et culturelle. Dans le contexte de ce qu’on appelle le Canada, cette histoire coloniale de l’extraction végétale constitue le point de départ de ma réflexion. Ma communication interroge comment, aujourd’hui, des artistes mobilisent le vivant pour transformer ces héritages. En travaillant avec des plantes, leurs œuvres réinscrivent la mémoire culturelle dans des gestes matériels : récolter, semer, teindre, jardiner. Lire ces pratiques à travers le prisme du craft permet d’en dégager la spécificité : elles valorisent le care, la répétition et la lenteur, à l’opposé des logiques d’agriculture intensive imposées par les colons qui ont appauvri les sols. Ici, prendre soin de la terre, c’est aussi prendre soin de la mémoire d’un peuple. J’examinerai la tension que ces œuvres révèlent : l’institution muséale cherche à stabiliser et conserver, tandis que les matériaux vivants exigent mouvement et circulation communautaire pour survivre. Cette contradiction rend visibles les potentialités critiques du végétal : déstabiliser les logiques muséales de permanence et réactiver des mémoires collectives face aux histoires d’effacement colonial.